lundi 11 février 2013

Radiohead, l'heure du bilan ?




Dans la modestie qui les caractérise, la formation de Thom Yorke s’est toujours hissée vers les sommets. Leurs deux albums OK Computer (1997) et Kid A (2000) ont régulièrement été classés comme les meilleurs des années 00’s. A tort ou a raison, l’article ne se penchera pas nécessairement sur cette question, même si vous savez certainement tout le bien que je pense de ces deux opus ou simplement de la discographie de Radiohead en général. Retour sur l’oeuvre : 

Leur premier opus paraît en 1993. Du nom de Pablo Honey il contient le plus gros tube du groupe Creep. Cependant, les morceaux ne reflètent en rien ce que sera Radiohead. On a affaire à une pop vaguement sympathique au son vraiment sale. Rien d’incroyable à retenir, cet album est peu apprécié par les fans du groupe comme par les néophytes. S’en suit The Bends. Dans la même lignée pop, cet album a su s’affirmer comme une véritable pépite. Entre ballades déchirantes (Fake Plastic Trees, Street Spirit) et les morceaux rock enlevés (Just, The Bends) lorgnant parfois même sur le grunge (My Iron Lung), cet album montre que le groupe a muri durant la tournée et la promotion du premier album.  Exit les morceaux de pop rock au son dégueu, les arrangements mal orchestrés et la batterie caverneuse. Ils maîtrisent désormais leur registre et prouvent qu’ils peuvent être potentiellement la relève de la pop rock mondiale.


Dès lors, lorsque OK Comptuer sort en 1997, tout le monde s’attendait à un The Bends 2. Quelle erreur. Tout en restant dans un registre rock, le groupe livre ici (à mon sens) son meilleur album. La simplicité instrumentale et le côté brutal de The Bends sont mis de côté pour laisser place à l’émotion et la finesse. Les hymnes sont présents (Karma Police et son outro entêtant, No Surprises, qu’on ne présente plus) tout comme les morceaux de rock expérimentaux (Paranoid Android, morceau caractéristique de Radiohead, longue composition de rock expérimental sur plus de six minutes). Le leader, Thom Yorke, être ô combien tourmenté et par la célébrité qui s’est abattue sur lui compose des ballades déchirantes aux finals apocalyptiques. Je pense notamment à Climbing Up The Walls et son final venu d’un autre monde. Les cordes s’entremêlent au cri du chanteur qui semble plus effrayé qu’autre chose. Ce disque est un véritable moment d’émotion. Un incontournable. 

L’attente du prochain effort se faisait sentir. Les fans étaient impatients. Tout comme en 1997, tout le monde attendait un OK Comptuer bis pour l’an 2000. Encore une fois, ce fût une magistrale erreur. Pour le nouveau millénaire, Radiohead publia Kid A, disque lorgnant très fortement dans l’électro pop expérimental. Le morceau d’ouverture Everything In Its Right Place s’enfonce même dans un registre dance. Déroutant  au premier abord, il se révèle (mais qui en doutait ?) lui aussi incontournable. Les oeuvres majeures sont The National Anthem avec sa ligne de basse répétitive et cette expérimentation de cuivres dissonants ainsi qu’Idioteque, morceau totalement à part, indescriptible, mêlant électro, batterie tribale et nappes synthétiques. 
Dans la foulée, le groupe publie en 2001 Amnesiac. Enregistré durant les mêmes sessions que Kid A (Kid Amnesiac ?), cet album montre un côté beaucoup plus intime et torturé. Il s’éloigne de l’expérimentation de Kid A (pas très loin cependant, des morceaux comme Pulk/Pull Revolving Doors annoncent le côté bruitiste de la formation) pour refaire monter l’aspect sentimental des compositions, Pyramid Song et You And Whose Army? en têtes. Les cuivres sont toujours présents et prouvent leur efficacité sur Life In A Glass House. Il est étonnant de se dire qu’avec le recul, le groupe a enregistré ces deux albums durant les mêmes sessions tant les morceaux d’un album sont différents. Néanmoins, pour beaucoup, ces deux albums représentent l’apogée du groupe. Et c’est la que le drame commence.



Album suivant en 2003, Hail To The Thief. De bonne qualité, le groupe déclarera qu’il n’est pourtant qu’une compilation d’exclus jamais publiées et qu’il ne contient pas vraiment de ligne directrice. Il est vrai qu’à l’écoute, il ne paraît absolument pas cohérent. Alors certes, les excellents morceaux sont présents (2+2=5, Myxomatosis, There There), mais ne sont pas légions non plus. 14 pistes, peut être un peu trop gourmand ? Mais je fais ici la fine bouche, l’album reste bien évidemment bon et surclasse aisément la concurrence. Il était juste très dur de rebondir suite aux trois bombes que le groupe avait sorti coup sur coup. Et c’est sûrement la que Radiohead se démarque des autres groupes. Là ou des formations comme Muse pour ne citer qu’eux ne sortent qu’un album parfait et, soient ne tentent que de s’auto plagier pour continuer ou pire, virent au commercial pour pérenniser leur succès (coucou Muse), Radiohead a su sortir trois disques de rangs à la suite. Trois disques différents, chacun tirant son inspiration de sources diverses. Un tel groupe ne peut qu’être attendu au tournant de façon féroce. Et c’est peut être ce qui explique la désillusion de certains quant aux dernières parutions. 















Suite à l’expérience solo électro dance du leader en 2006 (The Eraser), Radiohead revient en 2007 avec In Rainbows, qui bannit toute forme d’électro. C’est un sublime recueil de dix pépites pop. Fragiles et chaleureuses. Seulement, tout comme sur Hail To The Thief, les hymnes ont disparu. Evolution volontaire ou panne d’inspiration ? Même si des chansons comme Weird Fishes ou Reckoner sont (osons les mots forts) sublimes, c’est une page qui se tourne dans la carrière du groupe. Quoi qu’on en dise, derrière ses couches expérimentales, un album comme Kid A avait un côté fédérateur. Ses successeurs n’en jouissent plus. L’escapade solo de Thom Yorke donne d’ailleurs des idées aux autres membres du groupe. Le guitariste Johnny Greenwood se lancera dans la musique contemporaine tandis que le batteur livrera un petit album folk pop mignon tout plein où il assure la place de chanteur et guitariste. 


C’est suite à une longue pause donc que le groupe revient en 2011 avec The King Of Limbs. Encore une fois, l’oeuvre est déroutante. Cette fois ci, totalement électronique, bruitiste aux influences jazz. Feral n’est qu’un déluge de sons porté par une ligne de basse grondante. Bloom perd l’auditeur dans un trio de percussions arythmiques. La fin de l’album dénote et permet à l’auditeur de se réfugier dans la rondeur de Codex ou de se perdre dans les échos de Give Up The Ghost. Ce nouveau disque est tout aussi déroutant qu'il est hétérogène. Sa seule cohérence au fil des morceaux ? Il n'est absolument pas comme les autres. Il est presque impossible de se rappeler de la moindre ligne de chant après la première écoute. Si l’album ne se révèle pas mauvais en soit, les interrogations soulevées sont nombreuses. Dans quelle direction part le groupe ? 

Et nous en sommes ici. Au lendemain de sa tournée mondiale pour défendre son dernier album et à la veille du second album solo de Thom Yorke, résolument tournée vers Burial et autres Four Tet, que reste t-il de Radiohead ? On peut avoir le sentiment que le groupe a tout essayé. De la pop, au rock, en passant par l’électro, l’expérimental, lorgnant par moment sur le progressif. Le dernier album est pour certain une preuve d’un manque cruel d’inspiration. Pour ma part je le trouve agréable, mais je comprends que des fans puissent le trouver ennuyeux à mourir. Certains reprochent à Yorke de désormais considérer Radiohead comme son projet solo car ne reconnaissent pas la patte artistique des autres membres dans le dernier album. De plus, les derniers concerts ne se révélaient plus d’une grande intensité physique comme les précédents pouvaient en témoigner. Radiohead, groupe en déclin ? 

Il est vrai que le concert auquel j'ai assisté en octobre n'était pas le plus physique que j'ai vécu. Toute en finesse, le groupe a installé une aura dans la salle des plus confortables, nous berçant au grès des différentes perles de leur discographie. Le rock n'a plus vraiment sa place dans leur registre, trop peu de morceaux ont réveillé les pogoteurs des premiers rangs, désespérés de ne pouvoir manifester leur amour pour le groupe comme ils le faisaient précédemment. De plus, si Radiohead ne veut plus jouer à l'empereur du stade mais à la finesse et à l'électro, pourquoi remplir des arènes telles que Bercy ? Le son, même poussé à son maximum, ne rendait pas justice à la qualité des compositions du groupe. J'ai l'air ici de râler mais ce concert est tout de même à mes yeux le meilleur que j'ai pu voir en 2012, et même toutes années confondues. Car oui, j'aime le nouveau Radiohead, le côté électronique prédominant, la complexité et l'aspect déroutant. J'en suis sorti des étoiles plein les yeux et les oreilles. 2h15 de véritable musique avaient bercé mes oreilles. Cependant, que peut-on attendre objectivement de Radiohead aujourd'hui ? Car il est vrai que les moments forts du concert furent les interprétations des anciens morceaux, bien plus que les nouveaux. La surprise de Planet Telex, l'entêtante You and Whose Army?, la spectrale Exit Music (For A Film)...

Les extraits que Thom Yorke a dévoilé de son second album solo confirment la lignée que semblait prendre le premier. Un mélange d'électro minimaliste et de dance musique. Si les concerts de Atoms For Peace (le nom du groupe) se révélèrent dynamiques, notamment grâce un excellent Flea à la basse, les versions studios étonnent, inquiètent même, certains. D'un calme et d'une torpeur presque gênants, Thom Yorke pousse t-il la finesse à son paroxysme ? A t-il atteint un point de non retour, à se lover dans la veine de ses idoles, Four Tet et Burial ? Le problème est qu'il n'atteint pas encore leur degré de créativité, et semble (du moins sur les extraits parus jusque ici, qui ne sont certes pour la majorité que des b sides) tourner en rond. Car si l'on regarde bien, entre son album solo de 2006, son album avec Radiohead en 2011 et ce nouvel album à paraître le 25 février, le leader charismatique de la formation anglaise n'a jamais paru tant se répéter. Certes il se renouvelle dans le style et s'enfonce plus profondément à chaque fois dans ce registre. Seulement quand on connaît son influence majeure sur les albums du groupe, peut-on désormais s'attendre à autre chose de la part de Radiohead ? 

Pour le moment, 3 dates ont été annoncées pour la tournée du nouvel Atoms For Peace. Avec une configuration encore inconnue, même si elle devrait être logiquement similaire à celle du 1er album. Pas de concert en France pour le moment. On espère très fort que notre pays ne sera pas oublié, car les salles choisies pour le moment ne sont pas d'immenses arènes comme sur les tournées de Radiohead mais des clubs bien plus intimistes, propices à l'élaboration d'une véritable finesse musicale. Quant à la formation d'Oxford, le bassiste a annoncé le retour en studio d'ici septembre. "Pour nous livrer en 2015 8 pistes inécoutables ?" ont avancé certains. Pour ma part, je parie encore sur le renouveau, même si j'y crois de moins en moins. Que reste t-il a exploré ? L'acoustique, à moitié tenté sur In Rainbows ? La pop progressive ? Ou alors, après avoir révolutionné le monde de la pop et du rock, Radiohead se lance t-il dans le combat de révolutionner à sa façon le registre jazz/électro pop ? Le débat est sans fin, malheureusement. Les légions de B Sides parues sur la période The King Of Limbs pourraient cependant faire espérer un retour à la pop expérimentale, ce que je souhaite vraiment. C'est en tout cas ce que peut faire deviner l'EP paru en 2011 composé de deux morceaux assez simples mais d'une beauté déconcertante. 

Allez Thomy, ressaisi toi ! C'est sympa ce que tu fais en ce moment, mais tu as su livrer tellement mieux ! On a trouvé ça marrant ton dernier délire, mais merde, t'es le leader de Radiohead, fais nous rêver ! 


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